« Passer comme chat sur braise. »
En entendant cela, je vois l’un de nos félins domestiques qui traverse un espace incertain le plus discrètement possible, l’air de ne pas y toucher, comme qui dirait sur la pointe des coussinets. Avec un petit regard de côté, du style: « Oubliez-ça vite, les gars! »
Au coeur de notre sagesse populaire, on trouve: « Nous ne sommes ni pour ni contre, bien au contraire! » Là, j’imagine l’archétype de l’un de nos politiciens concluant ainsi un discours post-agape, sous les applaudissements d’un public rougeaud gavé de jambon à l’os – moutarde Thomy – salade de patates.
Ces deux expressions sont revenues à mon esprit tout dernièrement.
Un matin de début juillet, à côté des courriels proposant des rencontres torrides avec quelques teutonnes affriolantes, ou m’invitant à partager le pactole de la veuve d’un homme d’affaire béninois tragiquement disparu dans un accident d’avion, j’ai trouvé un message du Parti Socialiste suisse.
Dans la perspective des prochaines élections nationales, profondément alarmée par le changement climatique, cette formation politique y présentait un « Plan Marshall pour le climat », 40 « Mesures concrètes » et une « Stratégie ».
Il est urgent de s’occuper du climat, l’humanité est en danger. Je me suis donc penché avec grand intérêt sur ces documents.
L’introduction dit: « Au lieu d’utiliser la manne fédérale pour faire des cadeaux aux banques… nous voulons investir… pour le climat ». Puis: « Nous devons briser la majorité de droite au Parlement, qui a systématiquement empêché la mise en oeuvre d’une politique climatique efficace ». Comment ne pas être d’accord?
L’objectif fondamental de la « Stratégie » est de « réaliser d’ici 2050 la part de la Suisse dans l’effort mondial de réduction à zéro des émissions nettes de gaz à effet de serre ».
Au début des « Mesures concrètes », il est spécifié que « Le solaire et l’hydroélectricité (pour le stockage) constiuent un pilier central de notre plan ». Et les 40 mesures qui suivent indiquent le chemin à suivre pour réduire drastiquement nos émissions de CO2.
Cette volonté d’aménager la société est louable, même s’il n’est pas question de la transformer radicalement, ce qui, à mon avis, sera inéluctable. Faute de mieux, je pourrais adhérer à ce premier pas, en saluant un grand parti de gouvernement qui s’engage résolument dans le sauvetage de la planète, et expose ses recettes sans détour.
Un détail, ou plutôt une absence, m’a tout à coup étonné. J’ai répété ma lecture, attentif… Je ne m’étais pas trompé: nulle part, dans ces documents officiels, n’est écrit le mot « éolienne ». Alors que le solaire est cité abondamment comme une énergie d’avenir, nulle part n’est évoquée celle du vent! Mon étonnement s’est transformée en jubilation! J’ai souvent regretté que l’opposition à cette industrie sur nos crêtes ne rencontre que peu d’écho parmi la gauche. Et voilà tout à coup que son principal parti a gommé de son plan le recours aux lentes hélices!
J’ai immédiatement pris mon plus beau clavier pour remercier le Conseiller national qui m’avait envoyé ces documents. Sachant qu’il avait été jusque là un farouche partisan des parcs éoliens, je me félicitais de la position nouvelle de son Parti, et le priais de la faire traduire rapidement dans les faits. (Les député(e)s socialistes vaudois viennent à l’unanimité de se prononcer contre une pétition qui demandait que l’on renonce à implanter 40 éoliennes géantes entre le Chasseron et le Creux du Van…)
Actuellement, j’attends au moins un accusé de réception.
Une connaissance a écrit au président du PS, lui demandant confirmation de cet abandon des éoliennes. Il s’est aussi permis de signaler ce fait à la présidente des Verts, et à une députée vert-libérale éoliénomane.
Silence radio sur tous les fronts.
Alors, depuis peu, vu ce manque de réactions, voilà qu’un très léger soupçon pourrait commencer à me titiller: et si cette mise de côté par le PS d’une énergie controversée n’était qu’une manière de passer comme chat sur braise sur ce problème, qu’une façon de se déclarer provisoirement ni pour ni contre, avant de ressortir des cartons – les élections passées – la construction des quelques 1000 éoliennes prévues par la Confédération pour 2050?
Non. Un calcul électoral aussi grossier serait indigne. J’attends donc patiemment que les hautes instances du PS confirment leur « Plan Marshall ». Après tout, il n’y a guère qu’une vingtaine de jours que nos messages ont été envoyés.
Michel Bühler
(article paru dans Le Courrier le 23/07/2019)