Les Pandora Papers: impliquant des personnes et des sociétés hyper-riches et hyper-puissantes, voici donc un nouveau scandale. Un de plus, qui n’a pas de quoi surprendre celui qui suit, même de loin, les turpitudes de la jungle ultralibérale.
Comment ne pas penser à Balzac, qui disait: « Derrière toute grande fortune, il y a un grand crime »?
Au crime supposé – mais probable, à mon avis – qui est à l’origine de ces richesses inimaginables vient donc s’en ajouter un autre: celui de se livrer à la fraude fiscale. C’est-à-dire, par des chemins tortueux, de violer les lois afin de garder pour soi ce qui devrait revenir à la communauté.
Ce qui n’a rien d’étonnant non plus, c’est de constater que ces bandits sont souvent conseillés et encouragés par des avocats et des agents d’affaires de chez nous. Les mains manucurées de ces notables qui, eux, agissent en toute légalité, dégoulinent de sang.
Le titre de l’opération fait allusion à Pandora, ou Pandore, dont le nom est associé à l’ouverture d’une certaine boîte. Petit rappel:
Dans la mythologie grecque, Pandore est la première humaine, façonnée dans l’argile, douée de nombreux talents et animée par les dieux sur ordre du plus grand d’entre eux, Zeus. Celui-ci voulant se venger des hommes, l’offrit en mariage au frère de Prométhée, le voleur du feu. Dans sa corbeille de mariée, Pandore apportait une jarre hermétiquement close, qu’elle ne devait ouvrir sous aucun prétexte. Malheureusement, parmi les dons qu’elle avait reçus, outre la beauté et l’habileté manuelle, il y avait entre autres la curiosité! Elle souleva donc le couvercle de la jarre… de celle-ci s’échappèrent immédiatement tous les maux pouvant frapper l’humanité: la vieillesse, la maladie, la guerre, la famine, la misère, la folie, le vice, la tromperie, la passion, l’orgueil, et puis… l’espérance. Lorsque la jeune épousée, effrayée, voulut refermer le récipient, il était trop tard. Seule l’espérance, moins agile, était restée à l’intérieur! C’est pourquoi, depuis, tant de malheurs nous accablent.
En découvrant, dans les Pandora Papers, les noms de grands fraudeurs, il n’est pas question d’en déduire que ceux que le consortium de journalistes pointe du doigt sont la cause de toutes les calamités libérées par Pandore. Il serait évidemment déraisonnable de présenter Tony Blair ou Dominique Strauss-Kahn comme les responsables de la vieillesse ou de la maladie. Par contre, on peut affirmer que tous ces adorateurs du capitalisme sauvage, de l’ultralibéralisme, sont coupables chacun à son échelle de la présence permanente, sur la planète, des guerres, des famines, de la misère.
La légende du colibri rappelle qu’au cours d’un terrible feu de forêt, l’un de ces petits oiseaux allait inlassablement de la rivière à l’incendie, rapportant dans son bec quelques gouttes d’eau qu’il jetait sur les flammes. Au tatou qui relevait qu’il n’avait aucune chance d’éteindre ainsi quoi que ce soit, le colibri avait répondu: » Je sais… mais je fais ma part ».
Comment, à l’exemple du colibri, pourrions-nous ici faire notre part, et contribuer à remettre dans la boîte ce que Pandore a laissé échapper? Plus particulièrement, comment nous, simples pékins, pouvons-nous agir dans cette lutte contre les grands prédateurs? Je ne sais pas, je cherche… En témoignant, en répétant aux quatre vents que ces flibustiers ne sont dignes d’aucun respect, même s’ils tiennent le haut du pavé. En participant le moins possible au monde qui les enrichit. En étant solidaire de tous ceux qui se battent pour la vérité et la justice.
C’est bien peu.
Au fond de la jarre reste l’espérance.
Michel Bühler
(article paru dans Le Courrier le 12/10/2021)